Dans ma maison, la Fabrique
Une interview de Jean-Marie Mahieu, artiste peintre, graveur, et photographe hennuyer.
À la Fabrique de Théâtre, on respire les arts de la scène de la cave au grenier. Pourtant, niché au coeur de l’atelier de création de décors, entouré de pots de peinture au garde-à-vous, un trublion aligne les coups de pinceaux depuis près de 25 ans, sans coup férir.
Rencontre avec un artiste peintre qui a fait de la Fabrique sa maison.
FAB – Jean-Marie, toi et la Fabrique de Théâtre, ce sera bientôt 25 ans d’une histoire d’amour. Ça a commencé comment ?
JEAN-MARIE-MAHIEU – Tout a commencé par une rencontre amicale avec Michel Tanner (ndr : premier directeur de la Fabrique de Théâtre) avec qui j’ai collaboré, à l’époque, pour de la mise en scène de spectacle. Quand j’y repense, ce sera bientôt une amitié vieille de 50 ans ! Je faisais de la dorure sur feuille. Il ne me fallait pas un grand espace: une table suffisait. Par la suite, c’est grâce à Valérie Cordy (ndr : directrice actuelle) que j’ai eu la chance de continuer à bénéficier d’un local et de la sécurité qui va avec.
FAB – Tu es donc une sorte de résident permanent…
JMM – C’est-à-dire que je viens par épisode. L’été, par exemple, je profite de l’inoccupation d’un des plateaux de répétition pour réaliser des grands formats. Le reste du temps je dispose d’un petit espace qui me convient parfaitement.
FAB – Au coeur de l’atelier de fabrication de décors…
JMM – Oui. Je m’y sens bien. J’y découvre des matériaux que je n’ai pas l’habitude d’utiliser ainsi que la pratique des menuisiers. Il m’arrive aussi de récupérer les découpes, ce qui reste, ce qui est jeté. Je récupère, je peins, j’y ajoute ma petite note personnelle…
FAB – Actuellement, tu travailles sur quoi ?
JMM – Ma dernière exposition importante remonte à 2015. Depuis lors, je fais ce que je veux. Il m’a fallu beaucoup d’années pour me rendre compte que je suis un homme libre. Chemin faisant, par mes racines, je m’inscris dans une métamorphose lente vers des sujets qui sont un petit peu hors des sentiers battus, plus basés sur une introspection personnelle.
FAB – Tes racines reviennent souvent dans la discussion.
JMM – Je suis né à La Bouverie. J’y vis. J’y peins. Et je pense que j’y passerai le restant de mes jours. Le Borinage, c’est mon territoire. J’ai fait tout un travail sur ce que j’ai appelé le « Bornage », à la recherche à la fois des traces de mon enfance et des vestiges industriels. J’ai développé un amour profond vis-à-vis de la notion de paysage. Et puis, ici, il y a les terrils… Ces monts sortis du creux de la terre par des hommes qui ont rampé sous terre. Quand on voit la somme de travail pour aboutir à ce qui n’est finalement qu’un rejet… Cela me touche énormément. J’habite une maison de rangée comme on en trouve dans le Borinage, dans un quartier abritant une grande richesse sociale… Ces éléments alimentent très fort mon travail.
FAB – Retour en arrière. Il y a 25 ans, c’est toi qui ouvrais les rideaux de la Fabrique puisque que tu étais le premier artiste à y exposer… Ça éveille des souvenirs ?
JMM – C’est Michel Tanner qui m’a proposé une rétrospective de mon travail, à l’occasion de l’inauguration de la Fabrique. Une rétrospective… Ça peut paraître paradoxal par rapport à mon cheminement artistique et à mon intérêt pour la mémoire, mais je n’aime pas retourner en arrière. J’éprouve beaucoup de difficulté à aller voir ce que j’ai fait dans le passé. J’ai donc converti cette idée de rétrospective en faisant un travail nouveau qui a nécessité trois années de préparation. Ce fut l’occasion de poser la question de mes racines, du Borinage, de l’école de la chaussure (ndr ancienne appellation du bâtiment qui abrite la Fabrique de Théâtre), de ce que tout ça pouvait représenter. C’est devenu une étape importante. Et puis, au final, cette exposition a produit le premier catalogue sérieux à propos de mon travail – tout cela est resté gravé dans ma mémoire.
En savoir plus :
Jean-Marie Mahieu à La Fabrique de théâtre : le dire vrai d’un artiste (POINTCULTURE.BE)